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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 4 Octobre 1999

Sommaire
bulletCourrier des allié(e)s
bulletEditorial
bulletAlliance en Mouvement
bulletOasis de l'Alliance
bulletCHARTE DE LA TERRE
 · Troisième Pilier
 · Proposition du Conseil de la Terre
 · Proposition Carrefours Humains
 · Considérations
 · Réponse d'Asie du Sud
 · Proposition d'Asie du Sud
 · La Freedom Charter en Afrique
bulletSOS MER ET PECHE
bulletArtiste Invité
bulletL'Equipe
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CHARTE DE LA TERRE
Désirs d'Asie du Sud

Dans le cadre de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire en Asie-Pacifique, nous essayons de voir la Charte de la Terre comme un processus plutôt que comme un produit fini. Par conséquent, la Charte de la Terre sera, pour nous, toujours dans sa forme "avant-projet", pour ainsi dire. Nous espérons voir le processus Charte de la Terre avant tout comme une manière de ré-envisager nos objectifs et aspirations plutôt que comme un simple ensemble de principes. Dans l'ordre mondial d'aujourd'hui, cela veut dire que nous suggérons également un changement de paradigme, étant donné que la situation actuelle a peu de chance de satisfaire les aspirations pluralistes des peuples du monde. Le processus Charte de la Terre est un acte d'audace. C'est un acte d'audace parce que le processus même de produire la Charte est un 'contrôle de la réalité' qui situe ce qui se passe aujourd'hui tout en sondant et en faisant remonter à la surface ce qui fait sens pour nous et nos aspirations les plus profondes pour un monde où les êtres humains peuvent mener une vie créative et éthique avec autrui, ainsi qu'avec la Terre. Par conséquent, la Charte de la Terre représente beaucoup de voix, beaucoup de visions et beaucoup de couleurs. Elle ne confond pas l'universel avec l'homogène.

Il s'agit de faire émerger autant de chartes régionales que possible dans le processus de l'Alliance du monde entier. Nous proposons que la version finale de la Charte de la Terre de l'Alliance mondiale soit issue des intelligences et des principes proposés par les Chartes de la Terre régionales.

Le processus de rédaction de la Charte de la Terre d'Asie du Sud a surgi, pour beaucoup, des débats de l'atelier de l'Alliance à Bangalore en avril 1999. Tout le monde sentait que la version d'Asie du Sud de la Charte devait refléter les identités distinctives de la région tout en exprimant sa solidarité avec les peuples de toutes les autres régions du monde. Ce devait être un document à la fois local et mondial. Par la suite, le sous-groupe constitué pour rédiger la Charte de la Terre à partir d'une perspective d'Asie du Sud a organisé plusieurs rencontres et est arrivé au consensus que la Charte serait constituée de quatre parties* : La première partie de la Charte est composée d'histoires vraies de gens dont les vies représentent les réalités actuelles d'Asie du Sud. Ainsi le document prend un visage humain et évite de devenir une simple liste de résolutions abstraites. La deuxième partie articule la situation générale en Asie du Sud aujourd'hui : les problèmes, les luttes, les espoirs. La troisième partie s'inspire des traditions de sagesse de la région pour offrir des alternatives à la crise actuelle, qui n'est pas le seul fait des asiatiques du sud, mais aussi des gens du monde entier. Enfin, la Charte se termine par une articulation plus officielle appelée Déclaration de la Charte. Notre espoir est que sous cette forme, la Charte d'Asie du Sud sera perçue comme un document holistique, un document qui porte le signe distinctif de civilisations particulières. Voici donc une contribution d'Asie du Sud à la cause d'un monde responsable et solidaire.

Siddhartha (Inde)

* Par manque d'espace, nous reproduisons seulement les parties II à IV de l'avant-projet de la Charte de la Terre d'Asie du Sud. Des exemplaires du texte en entier sont disponibles à : Pipal Tree, # 139/7, Domlur Layout, Bangalore - 560 071, Inde. Téléphone/fax : 91-80-551 1756. Email : pipaltree@vsnl.com

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Charte de la Terre d'Asie du Sud

dessin de gens chevauchant des globesNotre Contexte

Une jeune fourmi, cherchant à comprendre le sens de la vie, remarqua une agitation au loin. Elle se dépêcha sur la scène pour y voir plus clairement. Elle y trouva devant elle un petit monticule de fourmis avec encore plus de fourmis essayant de grimper au sommet de celui-ci. De toutes ces bousculades sortait un refrain constant : Il faut arriver au sommet ! La jeune fourmi plongea dans la frénésie générale et se précipita dans les bousculades de la course au sommet. Ceci dura pendant plusieurs heures, le temps pour plusieurs fourmis de se faire écraser et blesser. Enfin une fourmi, entraînée par le mouvement, fut projetée sur le sommet. Elle s'étonna alors de ce qu'elle vit. Il n'y a rien au sommet ! s'exclama-t-elle. Il n'y a rien ici au sommet, absolument rien.

Alors que nous entrons dans le prochain millénaire, nous affrontons des choix qui sont de nature essentiellement qualitative et spirituelle. Nous en Asie du Sud en avons assez de l'approche où l'objectif de l'individu est d'atteindre le sommet plutôt que de communier avec ses compagnons de vie et avec la nature. Le nouvelles forces technologiques et du marché ont provoqué des ruptures à grande échelle dans nos sociétés où les visions mondiales non dualistes qui parlent de l'entrelacement des êtres humains et de la Terre ont été remplacées par une vision insensible et avide. L'Asie du Sud-Est est aujourd'hui un chaudron de cuisson à petit feu de conflits et de confrontations. À part les conflits, issus de l'oppression contre les Dalits, les populations tribales et les femmes, nous affrontons aussi des guerres en cours, telles que le conflit du Sinhala-Tamoul dans le Jaffna ou le conflit au Cachemire, sans parler du grand nombre de graves soulèvements ethniques et de classe. L'Asie du Sud a souffert pendant des siècles de la colonisation et de la néocolonisation. Nous nous trouvons dans un monde inégal. En dehors des crises les plus évidentes, un grand nombre de gens est encore broyé par une misère écrasante. Dans le nouveau climat politique, le souci d'allégement de la situation critique des pauvres a pratiquement disparu du discours public en Asie du Sud. Les médias détournent l'attention du public à coups d'évasion : nouvelles sur les célébrités, distractions et loisirs.

Bien que la situation générale soit alarmante, nous avons encore des raisons d'espérer. Un grand nombre d'individus, d'organisations et de mouvements ont lutté tout au long de ces dernières décennies pour atténuer nos problèmes. Pendant que la lutte continue, nous réévaluons aussi notre vision. Nous nous rendons compte que nos sociétés ont beaucoup à offrir pour proposer un paradigme alternatif de moyens d'existence et de bien être.

Sans oublier les défauts sérieux dans nos systèmes sociaux traditionnels, nous souhaitons souligner qu'il y a beaucoup de sagesse et de vérité à gagner de nos pratiques culturelles et sociales, que ce soit dans l'agriculture, dans la santé, dans les rapports entre les êtres humains et la nature ou dans les intelligences qui dirigent le sens même de nos vies. Aujourd'hui, nous nous trouvons à reconsidérer sérieusement 'les alternatives au développement' qui ont été favorisées et cultivées en Asie du Sud.

De nouvelles directions

Le cosmos entier, depuis la particule subatomique la plus minuscule de la Terre jusqu'à l'étoile la plus distante et massive est un champ unique d'énergie sacrée. Cela veut dire que chaque petit bout de cet univers est relié avec tous les autres et que chaque petit bout recèle sa propre sainteté spéciale, individuellement et collectivement. Sur terre, cet univers, rempli de variété infinie, est pour nous une source perpétuelle d'émerveillement et de joie.

La Terre, notre maison, une si belle planète, est un écosystème vivant qui maintient d'innombrables formes de vie. Nous, en tant qu'êtres humains conscients et intelligents, sommes les enfants de cet écosystème. Comme il nous nourrit et nous maintient, notre responsabilité est de le nourrir et de le protéger.

Pour nous, donc, chaque partie de cette Terre, chaque animal, chaque plante, chaque insecte ou minéral est sacré. Nous sommes imprégnés de respect pour chacun d'entre eux, de même que nous chérissons chaque être humain qui habite cette Terre. La Terre n'est pas pour notre seul plaisir propre, ni ses ressources pour notre simple consommation. Nous partageons cet espace avec non seulement d'autres êtres humains mais aussi avec d'autres formes de vie ; par conséquent nous devons adopter une attitude de coexistence respectueuse à leur égard. La Terre Mère est large, elle a assez pour répondre à tous nos besoins si nous veillons à utiliser ses ressources de manière frugale et responsable. La solidarité, le partage et la frugalité nous aideront à dépasser notre crise écologique actuelle.

Parce que la terre est un système vivant, elle a la capacité de se régénérer. Les dégâts et la destruction de notre environnement ne sont, par conséquent, que temporaires, pas irrévocables. Mais restaurer la santé de la planète exige un grand changement d'état d'esprit pour passer de la consommation à alimentation et, plus encore, de l'alimentation à l'existence. Il faudra adopter un nouveau paradigme holistique et intégré pour pouvoir faire évoluer nos styles de vie actuels, qui sont autodestructeurs et violent vis-àvis d'autrui. Dans ce nouveau paradigme, la technologie et l'éthique seront combinées comme le seront la politique et la moralité. Un nouveau dharma mondial émergera qui intégrera le local avec le mondial, le moi avec la société, le fait avec la valeur, la théorie avec la pratique.

Ce dharma, haq, ou loi cosmique peut être la base d'un nouveau contrat entre les peuples et les nations du monde, entre les entreprises et leur clientèle, entre les êtres humains et les autres espèces vivantes. Une nouvelle spiritualité qui n'est pas rattachée à une église, non sectaire, trans- ou poli-religieuse, multi-ethnique, plurielle et tenant compte des différences entre les sexes, aidera à baisser les barrières entre les hommes entre eux et entre les hommes et les femmes de notre monde.

Pour les citoyens du monde et les acteurs du changement social un effort tourné vers l'intérieur simultanément avec l'effort extérieur est essentiel, comme l'est le fait de tirer la corde de l'arc avant de libérer la flèche, rapide et sûre. Reconnaître nos erreurs du passé, ne rien nier de ce qu'il contient de sordide en matière de souffrance humaine et de violence, prendre en considération les infractions terribles et indiscutables que nous avons commises les uns envers les autres, ne rien oublier, tout accepter, aller pourtant de l'avant avec précaution, avec espoir, avec de l'amour et de la compassion dans nos cours, se demander pardon et demander pardon à la Terre et à ses créatures, ainsi pourrons-nous, êtres humains, forger un nouveau destin pour nous-mêmes et pour la Terre.

Qui sait si dans les siècles à venir nous ne rencontrerons pas d'autres formes de vie dans d'autre systèmes  planétaires ? Ne serions-nous pas avisés, en tant qu'êtres conscients dotées des facultés de rationalité et de sagacité, de présenter un meilleur bilan ? Ne devrions-nous pas laisser cette terre au moins légèrement mieux que lorsque nous l'avons trouvée quand nous sommes nés ? Si nous sommes nous-mêmes responsables de nos problèmes, alors sûrement leurs solutions se trouvent aussi entre nos mains. Ainsi si nous avançons ensemble avec humilité et sagesse, dirigeant notre chemin vers le grand inconnu avec une intelligence du passé et du futur, conscients de l'énorme interdépendance organique des choses, nous avons encore une chance de changer une possible tragédie en un triomphe certain pour notre espèce, au lieu d'ajouter notre bilan archaïque aux échecs colossaux du passé.

Nous, peuples d'Asie du Sud, affirmons notre solidarité avec le reste des nations et des communautés du monde. Nos problèmes et préoccupations communs nous lient tous ensemble dans les peines et dans les joies. Nous souhaitons nous joindre à la grande aventure humaine dans sa marche en avant vers un avenir meilleur et plus rayonnant. Les hommes et les femmes d'Asie du Sud marcheront la main dans la main et de front avec leurs autres frères et sours de la planète. Dans cet esprit nous dépasserons tous nos hiers collectifs et avancerons vers ce lendemain lumineux qui point devant nos yeux sur l'horizon lointain. Ensemble nous vaincrons.

dessin de gens chevauchant des globesVers une Déclaration de Charte

Nous, peuples d'Asie du Sud, constituant un cinquième de l'Humanité, affirmons :

- qu'avant tout nous souhaitons vivre dans la paix et l'amitié, ensemble et avec les autres peuples du monde ;

- que nous désirons pour toutes nos populations un niveau de vie adéquat, avec assez de nourriture, de vêtements et d'abris, de systèmes sanitaires, de services de santé, d'éducation, et d'emploi et de sécurité, afin que nous puissions tous vivre dans la dignité ;

- que pour réaliser les objectifs précités nous avons besoin d'une gouvernance bonne et responsable dans un système démocratique qui garantisse la liberté et les droits de l'Homme à tous nos citoyens ;

- que tous les peuples d'Asie du Sud ont un héritage culturel et spirituel riche et partagé datant de plusieurs milliers d'années ; nous aimerions le conserver face aux menaces d'une culture mondiale ;

- que nous partageons aussi une lutte contre la domination coloniale et ses conséquences qui sont la misère cruelle et le retard et que, par conséquent, nous devons travailler ensemble pour vaincre ces handicaps ;

- que nous ne pouvons pas nous permettre les guerres gratuites et conflits internes qui nous persécutent depuis notre indépendance, mais que nous devons, au contraire, travailler sur une coopération directe entre les peuples afin que ces conflits sanglants et mutuellement destructeurs puissent se terminer ;

- que nous partageons aussi une histoire d'oppression des femmes, des castes inférieures, et des autres groupes marginalisés tels que les populations tribales ou les minorités ethniques, que nous aimerions terminer ; une législation menée de front avec l'action sociale nous aidera à alléger ces oppressions internes et à travailler vers une plus grande égalité dans nos sociétés ;

- que nous essaierons d'extirper des maux sociaux tels que l'analphabétisme, le travail des enfants, le travail sous l'esclavage, le trafic de drogues, la prostitution et ainsi de suite, issus pour beaucoup de la misère et l'inégalité mutilantes qui persécutent nos sociétés ;

- que nous nous sommes engagés à la préservation de notre pluralité, ce qui veut dire que les diverses communautés ethniques, religieuses, linguistiques, et autres dans notre région sont libres de pratiquer leur propre forme de vie et de moyens d'existence et que cette célébration des diversités pourrait être la seule façon de protéger les cultures locales de la menace de la mondialisation ;

- que l'intolérance sous ses formes religieuses ou autres nous est odieuse et que nous n'autoriserons pas que la religion soit utilisée abusivement par les politiciens pour leurs propres fins égoïstes, et que, au contraire, nous avons besoin de renforcer et de faire avancer nos traditions spirituelles qui sont uniques par leur profondeur et leur continuité ;

- que toute l'Asie du Sud, des hauteurs de l'Himalaya aux profondeurs de l'océan Indien, est un écosystème interdépendant et que, par conséquent, sa préservation est notre préoccupation commune à tous ; que cela implique, au minimum, la conservation de la biodiversité, la protection de la flore et de la faune, la prévention de la dégradation des forêts, des sols, et de l'eau, et la conservation des ressources naturelles ;

- que pour tous ces objectifs la démilitarisation et la dénucléarisation de la région et du monde entier, le retrait des barrières entre les peuples au sein des États et l'établissement (ou le maintien) de la démocratie, de l'autonomie locale, et de la décentralisation sont impératifs.

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© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.