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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 1 Septembre 1998

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" Le problème avec la Plateforme pour la plupart des Chinois, c'est qu'après avoir l'émotion de la lecture de cette vocation humaine, on se perd aussitôt dans des concepts abstraits qui sont difficiles à saisir. Il n'y a quasiment pas d'image dans ce texte, pourtant avec l'image, on comprend mieux les choses. "
SHI Xian-min


Regards chinois sur la Plate-forme

Du 9 au 11 septembre 1997 s'est déroulée à Macao une rencontre intitulée "Symposium on Development of China and Global Concerns". Organisée par la revue Chinese Social Sciences Quarterly avec le soutien de la Fondation Charles Léopold Mayer-fph et de la Fondation de Macao, Cette rencontre concernait à la fois les préoccupations énoncées par la Plate-forme et la Plate-forme elle-même.

Lors de la discussion, deux points principaux se sont dégagés, qui apparaissent comme des pierres d'achoppement : la notion de modernité correspondant au " développementisme " et la notion de raison incarnée par l'universalisme des choix.

Nous abordons ici le premier thème avec la publication de larges extraits des textes de Jiang Yi-hua, Professeur d'histoire de la Chine contemporaine, Fudan University, et de He Huai-hong, Professeur à l'Institut des Arts de Pékin, avant de poursuivre la présentation de ces réflexions dans le prochain numéro. La traduction du chinois vers le français est due à Yu Shuo, traductrice du texte de la Plate-forme en chinois et animatrice de l'Alliance en direction de la Chine, assistée de Sabine Jourdain.

Convergences et divergences
He Huai-hong

Modeste commentaire sur la stratégie globale d'orientation

(...) Je crois sincèrement à la bienveillance et à l'honnêteté des auteurs de la Plate-forme, j'y vois même une ardeur désintéressée, un enthousiasme débordant.

Personnellement, je partage volontiers l'idée préliminaire de la Plate-forme : " si nos sociétés continuent longtemps encore à fonctionner et à se développer comme elles le font à l'heure actuelle, l'humanité va finir par se détruire "; mais je pense qu'il serait bon d'y ajouter un " peut-être ". J'ai aussi le sentiment que " nous allons devoir transformer profondément nos modes de pensée et de vie. " Je suis entièrement d'accord: chacun a sa part de responsabilité, mais se sent impuissant.

La Plate-forme appelle à un monde responsable et solidaire, et à l'aboutissement d'un consensus autour des points fondamentaux tels que le diagnostic des problèmes et principes d'action, les priorités et stratégies. Cependant, la Plate-forme souligne que les priorités sont différenciées selon les pays et les continents, et ces différences n'empêchent pas que l'on ait des points de vue commun sur des notions fondamentales.

Je souhaiterais m'enquérir sur quelle base et quels points de vue nous pouvons avoir un consensus, et avec quel genre d'opinion commune? Est-ce que c'est sur un diagnostic ou sur les valeurs que se fait le consensus? est-il global ou partiel? Est-ce sur les stratégies ou sur les méthodes d'actions? est-il à un niveau d'objectif ultime ou à un niveau élémentaire?

Nous sommes tous des êtres humains, vivons sur la même planète, et bien entendu nous devons chercher le consensus, la symbiose. Mais à mon avis, au lieu de chercher cette convergence de niveaux supérieurs, on devrait commencer par l'élémentaire; au lieu de le chercher au niveau de l'idéal des valeurs, on devrait réaliser ce consensus par des niveaux communs d'action et des normes fondamentales. Je me porte plus en faveur d'une recherche de l'éthique mondiale basée sur l'universalisme comme préconisée par les philosophes religieux et moralistes. Ces philosophes souhaitent établir des principes moraux qui peuvent être reconnus au minimum partout et par tous, grâce à des critiques, dialogues et débats complets. Ils ne négligent pas la durée d'un tel processus. (...)

Je voudrais souligner également la contradiction existant entre les trois objectifs harmonieux et les moyens de réalisation annoncés par la Plate-forme. La Plate-forme espère aboutir à un niveau supérieur d'équité, à la dignité et à la satisfaction des besoins humains; elle vise à faire sortir l'humanité de la pauvreté et lui permettre d'atteindre un niveau d'aisance suffisant. Pour ce faire, on ne peut pas ne pas développer l'économie.

De plus, la critique violente du marché et de la science se fait sur les deux piliers les plus solides qui, justement, permettent d'élever le niveau de vie matériel, et d'accéder à un développement économique. Un véritable argument pour nier le marché et la science aurait du procéder d'une attitude qui considère la vie spirituelle comme supérieure à la vie matérielle, le monde intérieur étant supérieur au monde extérieur. (...)

S'il s'avérait vraiment, comme le démontre la Plate-forme, que le marché et la science " deviennent des outils d'inégalité qui rendent service aux nantis ", comment alors les transformer en outils servant à une société égale? C'est un vrai problème à traiter. C'est pourquoi, nous devrions établir un nouveau point de vue sur l'égalité ne se concentrant plus uniquement sur la vie matérielle. Nous devrions également élaborer une nouvelle dignité et un point de vue de réputation qui ne seraient plus à l'aune de la possession de richesses matérielles. Nous ne devons surtout pas laisser la place centrale à la vie matérielle. Bien entendu, on a besoin d'un minimum de niveau de vie matérielle auquel tout le monde puisse avoir accès, et qui corresponde à son statut social, mais il faut avouer que depuis l'époque moderne, le développement industriel a permis une nette amélioration de la situation; la menace de survie est en quelque sorte éliminée; les grandes famines naturelles sont rares, les décès massifs ne sont plus dus au seul manque de matériel mais aux guerres et bouleversements sociaux, et à leurs conséquences. Par rapport à l'antiquité, la richesse matérielle des contemporains est très loin d'égaler spirituellement et moralement le niveau matériel atteint.

Cela peut être le problème qui mérite d'être considéré en priorité. Je dirais que la bouée de sauvetage pour les êtres humains et pour la planète, sera de toute manière de modifier l'idée des valeurs, et de ne plus considérer le désir et le niveau de vie matérielle comme objectif ultime. La valeur sera dépendante de la qualité de l'être, de la diversité des manières d'être; elle ne sera plus liée à la quantité de la possession. Le risque est fort autrement de mourir de richesse et non de pauvreté, d'être suffoqué par l'égalité et non par l'inégalité.

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Modeste commentaire au sujet de la stratégie globale d'orientation du développement des êtres humains au siècle prochain
Jiang Yi-hua

Convergences et divergences

(...) Le fondement sur lequel s'appuie l'argument principal de la Plate-forme est le jugement négatif de la modernité.

(...) La Plate-forme reconnaît à part entière que c'est la " modernité inventée en occident " qui s'est propagée dans le monde entier, et que la " modernité est amenée à provoquer les trois grands déséquilibres ". Pourtant, la réalité montre que, malgré la misère et les guerres incessantes qui accompagnent le processus de modernisation, le développement de la modernité a apporté aux être humains un espace unique dans l'histoire. Ce qu'on nomme ici la 'modernité' est en fait ce que les gens appellent communément 'la modernisation'.

(...) Il semble que la Plate-forme parte à la dérive et quitte l'axe spatio-temporel, en commentant le rôle historique de la modernité. A mon avis pour éliminer à la racine tous ces grands déséquilibres, on ne peut que renforcer la modernité. En effet, on ne peut pas en raison du seul modèle occidental nier la modernité en tant que telle, encore moins en invoquant l'imperfection et l'immaturité de la modernisation. Inébranlablement, il faut accentuer la modernisation; développer la modernité civilisée doit être la direction générale adoptée pour le siècle prochain, pour tous.

(...) La réalité prouve que pour parvenir à un idéal de développement humain, un processus long et tortueux est nécessaire. Dans la résolution des problèmes humains, en plus des efforts requis, la science et les techniques, et la révolution industrielle, constituent une dynamique indispensable. Pour réaliser l'objectif d'un développement idéal de l'humanité, on ne peut absolument pas mépriser la révolution technologique, mais au contraire on doit faire corps avec, et la considérer comme une compagne.

La Plate-forme en faisant la critique morale de l'autre pilier de la modernité - la liberté des échanges - nie le libéralisme commercial et l'économie de marché. (...) Une question mérite d'être posée : est-ce que dans un cadre économique primaire substitué à une économie de marché, l'éthique était vraiment belle, douce et idéale? (...) La Plate-forme reproche à l'économie de marché de réduire la valeur de la vie et des choses à une valeur monétaire. Je ne sais pas si elle se rend compte qu'avant notre époque même la vie humaine pouvait être vendue à l'instar de la terre ou des animaux.

D'un point de vue strict, en fait la Plate-forme exprime une attitude de 'morale universaliste' qui ne reconnaît pas les différences d'éthique entre l'économie de marché et l'économie traditionnelle, et ne veut évaluer objectivement les significations respectives des deux éthiques au fil de l'accomplissement de la personnalité humaine, de la nature humaine, et des droits de l'homme.

Dans une économie de marché, au contraire de l'économie primaire, la raison est attribuée à l'intérêt individuel et à l'égalité des droits afin que ne s'instaure entre les hommes une morale hiérarchisée. (...) C'est un grand progrès en matière de morale pour les êtres humains. De plus, l'économie de marché a permis la désagrégation du système totalitaire d'un pouvoir administratif fondé sur la morale de la hiérarchie. L'effondrement de la morale traditionnelle est nécessaire, il ne mérite pas de regret.

Concernant la modernité de l'individu dans une société d'économie de marché et le caractère traditionnel de l'individu dans l'économie primaire, l'ethnologue Taiwanais Yang Guo-shu avait réalisé une enquête en ce sens. (...) Les aspects traditionnels de l'individu peuvent être caractérisés par cinq points: le respect de l'autorité et le respect des ancêtres, l'aptitude à accepter son statut, l'enfermement dans un fatalisme mâtiné de superstitions et la supériorité déclarée de l'homme sur la femme. Les aspects modernes se caractérisent également par cinq éléments: l'esprit d'égalité et d'ouverture, la notion d'indépendance et de 'débrouillardise', un caractère optimiste et entreprenant, le respect des sentiments et l'égalité des sexes. Cette enquête faite à la fin des années quatre-vingt, montre bien les différences d'état d'esprit des gens respectivement dans un environnement d'économie primaire et dans un environnement d'économie de marché. Par rapport à la tradition, on observe bien sûr l'écroulement des rites, la relâche de la morale dans une société contemporaine. Cependant, si on reconnaît que le développement de l'éthique se caractérise par son temps, on pourrait donc facilement comprendre que la modernité s'est justement élaborée selon le processus d'établissement de la nouvelle éthique, selon un processus qui permet de briser les entraves dues aux conventions archaïques pour que l'humanité, la dignité de l'homme et les droits de l'homme se libèrent.

(...) En résumé, on peut affirmer que le XXIème siècle devra être le siècle de l'efficacité et de la rentabilité maximale. La révolution technique et industrielle correspond à cette efficacité recherchée, le développement du marché est lié à la rentabilité. Sans ces éléments, il sera impossinle d'éliminer la pauvreté, la famine et l'illettrisme.

Le XXIème siècle doit être le siècle de la coordination. Nous n'avons jamais été aussi proches dans la production matérielle et culturelle. Seuls des liens d'interdépendance peuvent être tissés. Les accords régionaux et multilatéraux le prouvent, qui sont de plus en plus nombreux. La Plate-forme expose d'excellentes idées sur la coordination. Il existe des priorités mondiales et régionales, il faut respecter les diversité, coordonner l'ensemble. C'est une vision originale. Par contre l'idée d'un gouvernement qui se ferait à partir de huit régions me semble utopique. Le XXIème siècle devra être un siècle de développement global.

Un développement global signifie une réduction des décalages entres pays développés et pays en voie de développement, et entre l'homme et la nature. Il signifie aussi que toutes les civilisations millénaires vont renouer avec les élans de la puissance créatrice, et laisser la place à la montée de formidables énergies. Les avantages acquis par chaque civilisation aboutiront à la création d'un patrimoine commun. (...)

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© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.