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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 1 Septembre 1998

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Oasis de l'Alliance: de l'espoir...
Le projet " Terroir vivant "

Eloge de l'Oasis | L'expérience Gurukula

Il était une fois... Blieux, petit village de 50 habitants - au début du siècle dernier, mille personnes vivaient sur le territoire de celui-ci - perché en haut d'une vallée des Alpes de Haute Provence. Les plus hautes montagnes de la région (à près de 2000 mètres) dominent un cirque où se niche Blieux à mille mètres, dernière étape avant la transhumance. Un paysage austère où la végétation méditerranéenne revêt des aspects plus montagnards, adouci par les parcelles de cultures et des prairies de fauche au fond du vallon où coule l'Asse de Blieux. Mais aussi des pentes raides de Marnes grises de loin en loin - des robines en terme local - sculptées par l'érosion des eaux de ruissellement. Ces robines ne verdissent jamais : été comme hiver, elles gardent toujours leurs dégradés de gris dus à la stérilité de leur sol.

Au début de la piste de montagne qui mène à Majastres, une maison posée sur trente hectares dont un couple d'agriculteurs-éleveurs est propriétaire : élevage de chèvres mohair, potager impeccable dont les allées gazonnées semblent tracées au cordeau, plusieurs ruches, quelques poules dans le grand verger, et une lutte permanente contre les éléments pour réhabiliter les pentes érodées sur leurs terres. De ce paysage dégradé, façonné par la main d'un géant mais possédant le charme romantique des hautes crêtes montagneuses éclairées par la lumière de Haute Provence, que ce couple a tous les jours sous les yeux, est né le projet " Terroir vivant ".

De familial en ses débuts, le projet prend maintenant la forme que nous souhaitons lui donner : un projet collectif. Nous cherchons à construire/constituer, progressivement un groupe de personnes ayant des objectifs communs, une philosophie de vie très proche, venant s'installer à Blieux, pour mettre en commun leur énergies, leurs moyens à tous niveaux, leurs compétences, idées et idéaux, afin de faire progresser ce projet global. L'objectif final à long terme est de repeupler le terroir de Chaudoul, en offrant une qualité de vie que toutes les personnes (familles ou célibataires) qui viendront s'installer dans le projet auront définie puisqu'elles seront autant actrices que créatrices actives du projet.

Un projet à facettes multiples

  • Au départ le projet est d'ordre économique : être agriculteur et éleveur; mais plus encore 'paysan' au sens ancien du terme. Par notre retour à la terre, nous voulons concrétiser la volonté de " vivre au pays " par notre enracinement dans un terroir particulier. Nous voulons à travers notre pratique agricole, participer à l'élaboration d'un autre modèle de développement. Par notre démarche, nous voulons exprimer le désir de " mettre en commun ", de partager, de construire avec d'autres personnes, ici et maintenant.

  • De notre participation immédiate à notre environnement est né le second projet : la Haute Provence est une région pauvre, faite de territoires sensibles et dégradés. Nous n'acceptons pas de n'être que des exploitants d'un milieu, et de ne pas lui apporter en retour, de ne pas l'améliorer. Nous croyons que de la fonction première de paysan découle celle de protecteur d'un environnement, de conservateur et créateur d'un paysage, d'aménageur d'un territoire...

  • La création de l'écosystème " étang " en 1992 a été à l'origine du projet culturel (projet 3). En effet, la transformation d'un lieu insignifiant en un lieu attirant, l'arrangement de ses abords en un site original, l'aménagement de ses versants suivant la découverte de leur spécificité, tout cela a contribué à nous révéler que ce lieu, à l'origine fonctionnel (réserve d'eau, pisciculture, écosystème) était devenu un lieu d'agrément fort et magique.

  • De nos sensibilités, de nos compétences particulières, de nos penchants personnels pour ce qui touche à l'éducation et à la communication, est né le désir de partager, sous forme du projet 4 : avec les enfants, ces hommes et ces femmes de demain; avec les adultes concernés d'aujourd'hui.

Pourrais-je, pour finir, citer cette phrase de Blaise Pascal (1623-1662), qui m'émeut énormément : à la fois parce que c'est ainsi que nous agissons à Terroir Vivant et aussi parce que je ne suis pas sûr moi même de la comprendre tout à fait ?

" Quand on travaille pour demain et pour l'incertain, on agit avec raison ".

J.P. Locatelli, C. Blanc Locatelli, D. Sarkari
[Address: 04330 - Blieux (France)]

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Eloge de l'Oasis

Le projet " Terroir vivant " | L'expérience Gurukula

Faut-il avoir peur du bonheur ? Ou plutôt : faut-il craindre d'être bien dans sa vie ?

Face aux problèmes croissants d'une société de plus en plus en plus complexe, face à la crise (aux crises), face à une insécurité qui n'est pas seulement celles des banlieues mais aussi celle d'une vie dont les ressorts et les problèmes, et donc les solutions, nous sont devenus de plus en plus incompréhensibles et inaccessibles, face à une qualité de vie et des relations sociales qui laissent souvent à désirer, il peut paraître naturel et logique de se chercher un refuge, de vouloir se créer un petit paradis. (...)

Peut-être faudrait-il considérer deux manières de se créer un paradis. Ce peut être un paradis à usage personnel, forteresse close, île déserte, havre égoïste. Expression d'une angoisse, manifestation de la peur, négation des autres, on est bien entre nous et défense d'entrer : paradis privé. Ce peut être aussi un paradis sans frontières, espace non clos, perceptible de tous, ni entrée, ni sortie. Lieu d'activité et de travail, mais aussi de réflexion et de ressourcement, espace de repli, mais aussi d'ouverture et d'expression. Apparemment : un endroit à part, quelque chose de rare.

A ce stade de définition, le terme de paradis apparaît inapproprié : ne convient-il pas de lui en substituer un autre ? Si l'on garde à l'esprit le contexte d'hostilité où depuis le début se situe le problème, ne faut-il pas préférer le terme d'oasis ?

Oasis de sécurité(s) dans un monde de danger(s).
Oasis de prospérité économique dans une société de pauvreté rampante.
Oasis de diversité du vivant dans un environnement qui s'uniformise.

Mais aussi :

Oasis de beauté parmi tant de laideur.
Oasis de calme et d'harmonie dans un univers de bruit et de fureur.

Fort bien. Cependant est-ce tout ? Ou bien encore, car l'homme est un être de conscience " en devenir " :

Oasis de pauvreté dans un monde dans un monde d'abondance honteuse.
Oasis de convivialité dans une société d'indifférence.
Oasis de résistance dans un monde d'oppressions, visibles et invisibles.
Oasis de singularisation dans une société d'uniformisation.

On le voit, tout est dans la nuance et l'exigence. Que voulons-nous ?

La grande nuit terrienne n'est pas faite de terriers, mais de malentendus éparpillés. Batailler contre l'absolu de s'enfouir et de se taire. " (René Char, 1907-1988)

Jean Pierre Locatelli
(in 'Alternatives Rurales', 1996)

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L'expérience Gurukula

Le projet " Terroir vivant " | Eloge de l'Oasis

photoÉcrire sur l'expérience Gurukula équivaut à vouloir décrire une rivière: on peut décrire les rives, les rochers, les chutes, mais la rivière, elle, semble toujours la même et à la fois si différente. C'est par la parole que cette expérience se transmet le mieux.

L'expérience Gurukula est connue depuis l'aube des temps humains. Le jeune maître silencieux assis sous un arbre ('banyan') entouré par des disciples âgés est un idiotisme encore très vivant dans les traditions culturelles de l'Orient. Les disciples âgés représentent les vieilles questions de l'Humanité alors que le jeune maître silencieux représente la nouveauté des réponses, s'il y en a, ainsi que la nature d'un enseignement qui transcende les mots. En tant que représentant et exemple de la sagesse éternelle, les Gurus ont toujours vécu dans tous les temps et sous tous les climats comme ils le font encore aujourd'hui.

La sagesse se réfère à notre connaissance achevée, nos pensées et nos sentiments en termes dynamiques et vivants. Un Guru réévalue et énonce la sagesse éternelle pour répondre aux besoins de son temps. L'héritage de sagesse de l'humanité a toujours été valorisée par les Gurus - enseignants du monde - puisque leurs vies et enseignements réaffirment constamment les valeurs universelles essentielles de la vie, comme l'amour, la bienveillance, l'égalité et la justice telles qu'elles se manifestent dans la vie quotidienne des gens. Lao Tzu, Chuang Tzu, Gautama Buddha, Mahavira, Jésus Christ, le Prophète Mahomet sont quelques-uns de ces maîtres illustres que nous avons connus. Nous avons malheureusement perdu les noms et traditions de plusieurs femmes-Gurus, alors que c'est généralement à travers les grand-mères que la sagesse humaine est conservée.

Narayana Guru, (1854-1928) l'inspiration derrière la fondation du Gurukula, était un maître de sagesse appartenant à une telle lignée de Gurus. Il insista sur la nécessité de transcender l'esprit de clocher, que ce soit au nom des religions, castes, races, langues, sexes ou fois. Il ne s'agissait pas d'y arriver à travers l'homogénéisation mais en reconnaissant l'unité sous-jacente des aspirations humaines. Ses enseignements pourraient être résumes dans le dicton suivant : "L'Humanité est d'une caste, d'une foi et d'un but uniques".

Son disciple et successeur, Nataraja Guru établit la Fondation Narayana Gurukula comme une institution d'enseignement où les idéaux de prise de conscience de 'soi' aussi bien que de citoyenneté mondiale pouvait être réalisés à travers un mode de vie simple, actif et ouvert, et une grande spiritualité. En considérant toutes les traditions religieuses/spirituelles comme un héritage commun de toute l'Humanité, la Fondation reconnait un juste milieu entre croyance et scepticisme, et d'autres bipolarités. Cette façon de voir les choses ensemble au lieu de les considérer séparément est typique du Yoga en Inde. Yoga veut dire 'union': union de la vague avec l'océan. Nataraja Guru voyait les Gurukulas comme " des îles de neutralité dans un océan de démence ". Il surnomma la fondation 'Narayana Gurukula unlimited', signifiant ainsi que la responsabilité de chacun vers tous et de tous vers chacn n'a pas de limite. Il envisageait le monde entier comme un Gurukula.

Voici l'historique du Gurukula. Le lieu où nous habitons à Bangalore est un des centres du Gurukula. Il y en a seize en Inde et quelques autres dans le monde. Margaret et moi vivons ici depuis 27 ans. Nous nous sommes rencontrés alors que nous étions disciples de Nataraja Guru et nous nous sommes mariés. Nous avons quatre enfants de 12 à 24 ans - trois filles et un garçon. L'aînée, Hypatia Anasuya vient de terminer sa formation de médecine Ayurveda et les autres suivent des études secondaires. Tant que je sache, ce sont les seuls enfants dans leur école dont les livrets scolaires indiquent 'Humanité' en lieu et place de la caste et religion.

Je voudrais citer quelques exemples qui peuvent aider à comprendre le rôle du Gurukula aujourd'hui.

L'année dernière, un jeune homme et une jeune femme sont venus chez nous. Ils venaient du Kérala; l'homme était musulman et la femme chrétienne. Issus de familles aisées et éduqués, tous les deux étaient très amoureux l'un de l'autre mais leurs familles s'opposaient fortement à cette union. Ce jeune couple avait attendu plusieurs années dans l'espoir que leurs familles allaient devenir plus conciliantes. Loin de là, la femme fut enfermée chez elle pendant que sa famille menaient des efforts frénétiques pour la marier à n'importe qui pourvu qu'il soit chrétien. De l'autre côté, la famille du jeune homme, pour ne pas être en reste, menaça de le tuer s'il n'abandonnait pas sa bien-aimée. Le couple parvint à s'enfuir et est arrivé à Bangalore où ils ont tentés de se marier dans plusieurs églises, mosquées et temples. Mais personne n'a accepté de les marier à moins que l'un des deux se convertisse dans la religion de l'autre. Aucun des deux ne souhaitait cela; il ne voulait pas non plus d'un mariage civil. Finalement des amis nous les ont amenés. Après une discussion avec eux, nous avons accepté de les marier au cours d'une cérémonie où des prières du Coran, de la Bible et des Védas furent récitées par tous. Nous leur avons même délivré un acte en reconnaissance de leur amour et dévotion. Ils habitent désormais dans leur ville natale - leur familles commençant à s'ouvrir petit à petit à eux.

More near, in a village 4 kms away from us, there is a young mother and father with 2 sons. The father is an "untouchable" while the mother is "high caste". We are very thrilled at such efforts, however minuscule they may be, that show us that we need not give up home, that it is possible to transform lives of individuals while we wait for 'total' or 'global' revolutions to change the human but for the better.

Tout près de chez nous, nous connaissons un heune couple avec deux enfants. L'homme est un 'intouchable' alors que la femme vient d'une caste élevée. Nous nous réjouissons de tels efforts, aussi minuscules qu'ils soient, car ceci montre qu'il y a de l'espoir et qu'il est possible de transformer le vie des individus dans l'attente de révolutions 'totales' et/ou 'globales'.

Je me souviens également d'avoir reçu une carte postale de quelqu'un qui nous avait rendu visite il y a 12 ans. Une seule phrase était écrite: " la graine a germé ".

Ce sont quelques exemples cités dans l'espoir qu'ils refléteront quelques aspects de la vie au Gurukula. Nous pratiquons aussi l'agriculture biologique et menons des efforts de reboisement, comme une partie intégrale de la discipline spirituelle que nous essayons de vivre. L'agriculture pratiquée de cette manière est une façon de comprendre comment toute vie est interdépendante et se développe ensemble.

Un bon nombre d'amis des différents coins du monde visitent le Gurukula et restent en contact régulier créant ainsi un réseau en expansion. Le Gurukula est également associé avec Pipal Tree, une ONG de Bangalore qui se donne pour mission de résoudre des conflits inter-communautaires. Par ailleurs, le Gurukula reste en contact étroit avec une vingtaine de villages avoisinants. Nous sommes invités aux noces et à d'autres événements locaux. Souvent, l'occasion nous est donnée de soulever des questions sur leurs traditions ancestrales qui sont rapidement rongées par le modèle consumériste.

Nous cherchons à réanimer des éléments libérateurs dans les traditions spirituelles des gens. A cet égard, nous traduisons vers le kannada, le malayalam, le sanskrit et l'anglais diverses expressions poétiques indigènes. Une traduction de 200 poèmes du XIIéme siècle, écrits par une poètesse kannada, Akka Mahadevi, est aujourd'hui sous presse.

Dans le mot Gurukula, 'Kula' veut dire famille. Gurukula, c'est une famille de sagesse. Elle n'exclut rien ni personne. En ce moment, notre famille comprend 6 êtres humains, 11 chats, 3 vaches, 1 chien, plusieurs arbres, beaucoup de papillons, oiseaux, serpents, mangoustes et chacals. A propos d'oiseau, je me souviens du début d'un poème écrit il y a 2500 ans. Le disciple demande à son maître: " Est-ce par la contemplation ou par l'action que nous atteignons la libération? "; et le Guru de répondre : " Mon cher, tout comme un oiseau monte vers les cieux à l'aide de ses deux ailes, c'est par la contemplation et l'action qu'on atteint la libération ".

Vinaya Chaitanya

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© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.