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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 2 Décembre 1998

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Mondialisation et Alliance des Peuples
Vers une socio-économie solidaire

Documents* preparé par Pierre Johnson

Des marchés financiers à la société civile : Quel avenir pour la mondialisation ?

Pendant au moins 15 ans, la libéralisation des marchés financiers a été imposée à la plupart des Etats de la planète sous le nom de mondialisation. L'effondrement de l'économie russe, la crise des pays asiatiques et le retour à des mesures de contrôle des changes par certains pays émergeants ont souligné les conséquences dramatiques de cette mondialisation conçue par une mince élite défendant les intérêts d'une minorité. Les Etats n'étant plus en mesure de présenter à eux seuls une alternative à celle-ci, c'est dans la mondialisation à venir des sociétés civiles que réside une grande partie des alternatives à inventer.

Durant le " consensus de Washington " en faveur de la libéralisation généralisée des marchés financiers, après la fin de la guerre froide, le pouvoir de négociation des Etats, des populations et de leurs représentants en matière économique a été largement érodé. Sous prétexte qu'il n'y " avait pas d'alternatives " à ces mesures de libéralisation, les opérateurs économiques les plus puissants ont peu à peu imposé leurs règles du jeu, sans se préoccuper des conséquences sociales et politiques. Celles-ci sont particulièrement visibles dans les grands espaces régionaux créés ou consolidés pendant cette période (l'Accord de Libre Echange Nord-Américain, la Commission Economique de l'Asie-Pacifique, etc.), où des économies inégales ont été artificiellement mises en concurrence, généralement sans l'accord des peuples ou de leurs représentants. Dans le monde entier, les économies des pays qui ont le mieux suivi les recettes des institutions financières internationales sont celles qui sont aujourd'hui fragilisées et vulnérables aux mouvements rapides des capitaux1. La libéralisation financière devait permettre une meilleure diversification des investissements et assurer la convergence des niveaux de vie à l'échelle planétaire. Mais au lieu de renforcer les solidarités et l'interdépendance dans le monde, celui-ci a été transformé en une espèce de " casino global " où 350 traders peuvent générer deux fois plus de bénéfices à leur entreprise que 250 000 travailleurs de l'industrie. La libéralisation a aussi eu comme conséquence l'érosion des droits des travailleurs et de l'environnement. Elle a désarticulé les liens sociaux, fragmenté les territoires et élargi l'écart entre la sphère économique et la société, et ce jusque dans les pays riches, créant une sorte d'apartheid social à l'échelle mondiale.

Les maîtres de l'économie mondiale eux-mêmes (Fond Monétaire International, Banque Mondiale,.) se voient aujourd'hui obligés d'ajuster leur boussole au réel et d'accepter les mesures les plus élémentaires de contrôle des flux de capitaux par certains de leurs élèves (Chili, Malaisie.). Parmi les économistes en vogue, plusieurs voix proposent la création d'une nouvelle institution financière internationale avec une réelle autorité2. Mais ces mesures ne constitueront, au mieux, que des accommodements du modèle dominant tant que de nouvelles articulations entre société civile, pouvoir politique et pouvoir économique ne seront pas inventées. Au cours des dernières années les Etats-nation ont perdu une grand partie de leur crédibilité comme facteurs de changement. Mais dans la même période, répondant aux différents défis posés par l'énorme pouvoir d'entreprises disposant de moyens toujours plus " globaux ", sont apparus des réseaux reliant des initiatives citoyennes dans le domaine de la défense de l'environnement, de la proposition d'alternatives économiques, de la défense des minorités, etc. Leurs moyens sont encore assez faibles comparés à ceux des multinationales et des Etats. Mais l'enjeu d'une possible émergence d'une société civile à l'échelle mondiale est immense.

Au crépuscule de l'illusion néo-libérale, des initiatives citoyennes et des pratiques économiques cherchant à renforcer le lien social sortent de leur confidentialité. Ce sont les systèmes d'échange local, le commerce équitable, l'épargne solidaire. Elles apparaissent de plus en plus comme les précurseurs d'une nouvelle façon de penser les relations entre économie et société, et lancent un message d'espoir en dessinant les contours d'une économie plus humaine et solidaire. Un effet imprévu de la mondialisation a été la constitution de réseaux internationaux, certains ayant pour but de coordonner et renforcer des initiatives locales, d'autres de s'opposer à des aspects destructeurs de l'activité "globale" des grandes entreprises : atteintes à l'environnement, aux droits des peuples, négociations confidentielles d'un Accord Multilatéral sur l'Investissement au sein du club des pays riches. Des inflexions dans les pratiques des multinationales et les politiques menées par les Etats les plus puissants montre que leur message traduit le sentiment dominant des populations et commence à être entendu : la France se retire des négociations sur l'AMI ; grâce à des mouvements de protestation aux Etats-Unis et au Mexique, le Texas doit renoncer à une décharge de produits nucléaires près de sa frontière Sud, en zone sismique ; Nike, le géant de la chaussure de sport, se voit obligé d'augmenter le salaire de ses ouvriers en Indonésie. Bien sûr de nombreuses évolutions seront nécessaires sur le chemin d'un monde responsable et solidaire, mais cet éveil d'une conscience globale en constitue un élément clé.

Cependant, plus que jamais, nous devons admettre la diversité et l'entrelacement des cultures, des manières de voir le monde et des façons d'articuler l'économie aux sociétés. Cette diversité est une richesse qui constitue une des raisons principales de l'opposition générale au modèle uniformisateur de la mondialisation financière. De nombreux défis se posent donc au niveau local. Il s'agit de reconstruire des solidarités mises à mal par le modèle compétitif dominant, tant dans l'économie que dans l'éducation ; de protéger notre environnement immédiat et de défendre des formes locales de démocratie. De nouvelles et d'anciennes pratiques s'efforcent déjà d'y répondre. Mais la réflexion et l'action à l'échelle globale est également nécessaire, car l'avenir du monde s'y joue déjà, que ce soit pour la protection de l'environnement, la régulation des marchés financiers ou la défense des droits de l'Homme. Il nous faut donc aussi inventer des articulations entre les différents niveaux pour nous permettre d'agir à la fois à l'échelle locale et à l'échelle globale. C'est dire que de multiples formes de médiation et d'alliances entre peuples et sociétés civiles sont nécessaires.

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* Sur la base d'informations provenant notamment de New Economics Foundation, ANEC, People Global Action, Centre Walras (France), Henryane de Chaponay, V. Medha Patkar, Nadia-Leïla Aïssaoui, Philippe Guirlet, Claire Heber Suffrin, Catherine Le Guen...
1 Cf. "The Globalisation of poverty - Impact of IMF and the World Bank Reforms," Michel Chossudovsky, Third World Network (Malaisie) &ammp; Institute of Political Economy (Philippines), 1998.
2 A citizen's Guide to the Globalisation of Finance, Kavaljit Singh, Madhyam Books. Delhi and Zed Books, London, 1998.

© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.