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logo globe     Caravane: Lettre de Liaison de l'Alliance pour un monde responsable et solidaire
Numéro 2 Décembre 1998

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Les Habitants Aménageurs

Et si l'on voulait bien se rappeler que la ville, ses rues et ses maisons, son environnement, les services que l'on peut y trouver, son devenir, cela concerne d'abord les habitants qui y vivent. La confrontation d'expériences venant des quatre continents nous fait toucher du doigt à quel point il n'y a d'évolution positive de nos villes, et notamment des quartiers les plus en difficultés, que fondée sur l'investissement des habitants, leur inventivité. C'est sur le respect, la considération offerte aux citoyens-habitants que les autorités locales, les États, peuvent espérer fonder un projet, une politique de régénération du tissu social.

De Caracas à Dakar
Pierre Calame* (France)

6 ans, 6 ans d'un déjà long voyage d'un continent à l'autre. Un voyage qui était parti d'une conviction et d'une intuition. La conviction de quelques uns, au premier rang desquels le sociologue français Paul Henri Chombart de Lauwe qui vient de nous quitter, et Téolinda Bolivar, qu'il fallait revoir complètement le regard des institutions sur les quartiers d'habitat populaire et les politiques publiques concernant (ou visant !) ces quartiers. L'intuition que malgré les immenses différents de contexte d'un pays et d'un continent à l'autre, les responsables de ces politiques publiques avaient à apprendre les uns des autres. Et ce fut la rencontre de Caracas, la découverte des principes fondamentaux à mettre en ouvre pour mener des politiques avec les habitants, principes consignés dans la Déclaration de Caracas. Ce fut l'étape fondatrice.

La seconde étape fut la rencontre et la Déclaration de Salvador en 1993. Il s'agissait, avec un public beaucoup plus large, de vérifier et d'approfondir les principes de Caracas. Et, surtout, d'élargir cette fois le débat aux professionnels et aux habitants. Nous avons découvert que responsables politiques et administratifs, professionnels et habitants, malgré tout ce qui les sépare et les oppose dans la vie réelle pouvaient convenir de principes communs pour l'action. Dès lors, l'idée que ces principes pouvaient être fondamentaux de chartes de la concertation s'imposait. Et des organisations populaires commencèrent à voir le parti qu'elles pouvaient tirer de la légitimité internationale de ces principes pour revendiquer avec force, auprès de leurs interlocuteurs administratifs et politiques, leur mise en ouvre. Encore fallait-il que ces principes soient diffusés et que circulent des exemples de leur mise en ouvre. Ce fut la troisième étape, la création du réseau latino-américain d'échange d'expériences à partir du bulletin Ciudades de la Gente, réalisé par Téolinda Bolivar et son équipe avec l'appui de l'université de Caracas. En même temps paraissait le livre " Les Habitants Aménageurs " (Pascal Perck, Editions de l'Aube, 1994) qui donne des orientations d'application des principes de Caracas au cas de la France.

Un peu partout, l'idée que la ville ne peut se faire sans ses habitants ou contre eux, notamment dans les quartiers populaires, s'est imposée partout, ne serait ce qu'en raison de la raréfaction des deniers publics. La " participation des habitants " est mise à toutes les sauces mais la partie n'est pas gagnée pour autant. Elle est souvent entendue comme la participation des habitants aux projets publics, beaucoup plus rarement comme le soutien public aux projets des habitants, on l'a bien vu à la Conférence Habitat 2 d'Istanbul en Juin 1996. Etats et ONG ont trouvé de quoi payer des milliers de billets d'avion pour participer eux-mêmes à la conférence, mais n'ont jamais eu les moyens de payer un billet pour que des habitants s'y rencontrent. C'est pourquoi, quatrième étape, nous avons décidé de relever le défi et d'organiser dans le cadre de Habitat 2 un forum international d'habitants. Ce forum, dont l'intensité et la qualité furent remarquées, donna naissance aux " paroles d'habitants " d'Istanbul qui créée la soif rarement étanchée d'un réel respect et d'un réel partenariat de la part des institutions publiques. Il imposa l'idée qu'il fallait progressivement constituer un ensemble de réseaux régionaux d'habitants pour promouvoir ce partenariat.

Puis vint la cinquième étape, à la fin de 1996 : la rencontre de 9 villes européennes pour créer, comme disent nos amis africains, les trois pieds de la marmite : le dialogue entre habitants, élus et professionnels.

Mais Istanbul avait aussi ouvert des perspectives africaines, avec le Maire de Dakar et l'un des habitants sénégalais. C'est là qu'a germé l'idée d'une rencontre inter-africaine des trois pieds de la marmite. L'audace était double : créer des liens entre des organisations populaires de différents pays d'Afrique francophone, qui ne se connaissent pas et qu'il fallait d'abord détecter, bâtir un dialogue entre trois milieux qui n'échangent jamais en situation d'égalité.

Le pari a été tenu. Pendant une semaine, du 1er au 7 février 1998, les représentants d'organisations de base de dix pays d'Afrique francophone se sont réunis, rejoints pendant les trois derniers jours par des techniciens des villes, des élus locaux et des représentants d'associations nationales de maires de ces dix mêmes pays. Des échanges extrêmement denses. La possibilité offerte aux habitants de construire une parole collective leur permettant de dialoguer à égalité avec les techniciens et les élus locaux. Une déclaration finale qui ouvre des perspectives vigoureuses : de construction d'un réseau inter-africain d'habitants ; de chartes locales de concertation reprenant les principes de Caracas et de Salvador ; d'espaces de formation mutuelle auxquels puissent participer habitants, techniciens et élus.

Le relais devait être transmis, il a été d'autant mieux transmis que participaient à cette réunion des délégués (habitants et techniciens) du Venezuela, pour incarner la dynamique d'Amérique Latine et des délégués (habitants et techniciens et élus locaux) de France pour la dynamique européenne.

Le virus de " la ciudades de la gente " continue lentement mais sûrement à se répandre.

* Pierre Calame est Président de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme

Principes de la Déclaration de Salvador

  • Reconnaître les dynamiques à l'ouvre dans les quartiers pauvres ; s'appuyer sur elles et s'efforcer de les renforcer.

  • Donner plus de sécurité aux habitants, s'engager à ne pas les chasser de leurs lieux de vie.

  • Admettre que la démocratie représentative ne suffit pas à elle seule à faire entendre les aspirations de certaines catégories de population - enfants, femmes, étrangers, réfugiés, personnes âgées - ; trouver les moyens que pour ces aspirations soient entendues et prises en compte.

  • Réformer l'action publique à tous les niveaux pour qu'elle soit réellement capable d'inventer, avec la population des quartiers, les solutions les plus adaptées à chaque cas et de mettre en ouvre une politique intégrée, associant tous les aspects de la vie individuelle et collective.

  • Subordonner la politique menée aux rythmes sociaux réels des quartiers et de leurs habitants, depuis la résolution des problèmes urgents jusqu'à la conduite des stratégies à très long terme.

  • Mettre en place des systèmes de financement cohérents avec les objectifs poursuivis.

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© 2000 Alliance pour un monde responsable et solidaire. Tous droits réservés. Mise à jour le 24 mai 2000.